éditions les Idées Claires - Sites Internet, Photos, Presse

Télécharger le pdf

Christine Valette

 

A livre ouvert avec Christine Valette, propriétaire du
Château Troplong-Mondot...
.

Par Karine Valentin

Neuf heure, le soleil se couche, les derniers voyageurs du train de Paris ont déserté la gare de Libourne où j’attends Christine Valette-Pariente. Les minutes passent, le quart d’heure... Je m’impatiente, émue par cette rencontre avec la dame brune de Troplong-Mondot aux charmes tant de fois vantés par mes confrères. Serai-je à la hauteur de cette femme dont on m’a loué l’intelligence ? Surveillant la rue, j’invente sa voiture. Sera-t-elle au volant ? A-t-elle envoyé quelqu’un me chercher ?  Inquiète, je puise dans ma mémoire pour retrouver le souvenir vivace de ce 2002 ouvert  trop tôt, et pourtant charme pur, jouvenceau dans la force de l’âge, merlot miraculeux issu d’une année où d’autres ont loupé le coche.

Il y a du génie dans ce terroir de Mondot, au faîte de la cité de Saint-Emilion, cent mètres au-dessus des autres. Je prête au terroir bien des qualités, elles existent... Mais je sais qu’il n’est de génie des lieux que par les bienfaits de l’homme, de la femme... Elle ne viendra pas.  Dans le taxi qui me conduit  à Trolong-Mondot, je lui trouve des excuses.  Au seuil de sa demeure, elle est là. Au premier sourire, je lui pardonne... J’aime ce visage lumineux, ce regard direct, ces gestes de ballerinne, cette silhouette gracieuse. Dans la cuisine où, généreuse, elle a préparé de quoi dîner, j’oublie qu’elle m’a oubliée, je comprends.

Les délibérations pour le nouveau classement Saint-Emilion (révisable tous les 10 ans) sont en cours, et Troplong est pressenti pour grimper au niveau supérieur, celui de Premier Grand Cru Classé. Une consécration. Elle y bosse depuis 1981, année classique eu égard à la qualité générale de la récolte à Bordeaux, mais exceptionnelle pour Troplong puisqu’elle marque l’arrivée de Christine à la tête du domaine délité par un père fantasque. Il lui laisse en héritage un goût immodéré pour les livres et la charge du domaine, dont elle partage la propriété avec ses frères et soeur. Elle met un point final à ses études de lettres, sans jamais quitter ses chers livres, elle a 25 ans, ignore tout du vin. Jusqu’en 1991, elle gère seule le domaine puis rencontre Xavier, son mari, antiquaire. Le chai enluminé de gouttes de lumière, c’est lui ; la salle à manger en trompe-l’oeil, encore lui ; le salon aux boiseries, toujours lui ; le jardin au massifs topiaires ... avec lui.

Christine Valette

Troplong-Mondot, Premier Grand Cru Classé? La rumeur s’amplifie ....

Il se passionne pour la vigne,il adore le végétal. Les massifs sont somptueux, les roses éclatantes et les arbres, à l’instar du vignoble, respirent la santé. Vingt personnes travaillent au lustre du joyau. La rançon du succès pour un vin qui, jeune, a des allures de rugbyman pour devenir ensuite danseuse étoile pour le 2005, noté 96/100 par Bob Parker. Dans la cuisine, Christine raconte son bonheur d’écrire, de dessiner ; le 90 embaume les silences. Elle en est fière, son sourire le dit, elle aime le beau dans l’art, la littérature et le vin. Son 90 l’est. Je m’incline devant tant de sensuelle réserve, d’élégance naturelle, devant un cru à lire comme une phrase de Proust...

L’enfant de Combray dégustant sa madeleine livrera son passé, Christine avale une gorgée et retrouve le clocher de Saint-Emilion émergeant des brumes de son enfance, du temps où les bancs soutenaient le dos avachi de vieillards du village. C’était il y a 20 ans, le temps d’avant Christine, quand personne n’imaginait que Troplong-Mondot puisse reprendre la place de deuxième derrière Ausone, celle qu’il occupait au XIXe siècle dans l’Annuaire des Châteaux de Féret. Au moment où j’écris ces lignes, le nouveau classement n’a pas été divulgué, mais Je sais Christine confiante.